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Burn down the mission
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4 septembre 2005

Master and Commander : de l'autre côté du monde

Master and commander : the far side of the world
Film américain de Peter Weir
Sortie : 31 décembre 2003   

Fasciste et Facho sont sur un bateau…

Ça commence magnifiquement.
          Avec un des génériques les plus poétiques de l’année 2003 : de lents plans nocturnes de voiles et de fanions suggérant un bateau perdu en pleine mer. Une belle manière d’introduire le mythe de la navigation au XVIIIème siècle, tout en installant savamment l’intrigue. L’aube brumeuse arrive doucement et la tension monte immédiatement, le Surprise anglais étant menacé par l’Achéron français. En quelques plans les personnages sont présentés, le cadre défini et l’action lancée avec une maîtrise du rythme et du cadrage impressionnante.
          L’ambition artistique semble bien présente, notamment dans les superbes plans des deux bateaux filmés de loin, rappelant les tableaux de Turner, Lorrain et Poussin, les grands peintres de marines de l’époque. Alors on rêve du film de corsaire ultime, loin des bouffonneries hollywoodiennes qu’on a connues par le passé, et qui furent à l’histoire de Jean Bart ou de Surcouf ce que Christophe Lambert fut à Vercingétorix.
Mais c’était le calme avant la tempête.

         On déchante vite. Après cette première partie, on serait bien inspiré de faire comme les Français de l’Achéron : disparaître, s’échapper, et finalement fuir.
          Tout le talent de l’équipe du film est dans la première demi-heure. Après les rats semblent avoir quitté le navire. On assiste alors à ce qui doit résulter d’un assemblage de bouts de pellicule jetés dans tous les sens : des ellipses incompréhensibles, des changements de ton, de personnage, de cadrage, de climat ou de sujet qui n’ont même pas le mérite du contraste. Le réalisateur semble être passé par dessus bord et le film entier prend l’eau.
Le scénario sombre dans le n’importe quoi, en s’articulant autour d’une relation improbable entre le Capitaine et le médecin de bord. Ce dernier est d’ailleurs un non moins improbable naturaliste de haut de vol à ses heures perdues, puisqu’il devance les découvertes de Darwin d’une trentaine d’années (cf. voyage de Darwin à bord du Beagle qui appareille en 1831, et l’escale des Galápagos, importante pour ses travaux sur l’évolution des espèces).
          La manière dont est abordé l’ennemi est incroyable : il est fourbe, comparé au diable mais heureusement idiot. Le capitaine français va en effet confondre le navire de guerre anglais avec un baleinier. Mais il y a pire...

master2
Russell Crowe gueule-t-il comme un putois, ou baille-t-il devant tant d'inepties ?

         Master and Commander devient franchement douteux quand Peter Weir nous refait, après Le Cercle des Poètes Disparus, le coup facile du suicide et du bouc-émissaire pour essayer d’apporter un peu d’intensité à un film qui en manque cruellement. Sauf qu’ici, cela est présenté de manière positive ! En effet un lieutenant a le tort d’hésiter dans l’adversité, et l’équipage se met à penser qu’il porte la poisse. Le faible se supprimera donc courageusement, et tout ira mieux pour le groupe jusqu’à la victoire finale (et accessoirement, le film bafouera Darwin jusqu’à faire du darwinisme social). Comme si ça ne suffisait pas, plusieurs scènes et dialogues de Master and Commander (le titre était pourtant clair) justifient l’ordre militaire, le culte du chef et la raison d’Etat. Le tout avec la bénédiction de Dieu, comme plusieurs scènes sont là pour nous le rappeler. Même le charisme de Russel Crowe ne peut pas tout faire passer, et le spectateur finirait presque par avoir envie de le noyer lui aussi.
          Et ça n’est pas faute d’avoir essayé d’appréhender l’histoire dans le cadre des années 1800. Mais, l’introduction passée, le film semble se faire l’ennemi de la vraisemblance. Pas de scorbut, pas de mutinerie alors que l’eau et la nourriture manquent. Un bras est coupé, un homme est opéré, des français sont éventrés, mais le sang ne coule jamais (c'est connu, la vue de l’hémoglobine freine la consommation de pop-corn). Allez, soyons beaux joueurs, il y a bien un moment où les dialogues sonnent juste en nous faisant ressentir à quel point l’humour des matelots devait manquer de subtilité...

          Tout devient désolant dans cette chose qu’il faut sans doute encore appeler un film, puisqu’on a payé une place de cinéma. Pourtant on a bien affaire à une daube à la sauce fascisante : la recette des blockbusters américains des années 2000. On attendra encore pour le Barry Lyndon des mers.

G.

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